TIMOR ORIENTAL

FACE A L'IMPERIALISME INDONESIEN

par Jean-Louis Veyrac


Réalisé sous l'égide des Nations-Unies, du Portugal et de l'lndonésie, un référendum s'est déroulé à Timor-Est, le 30 août passé. A près de 80 % les Timorais orientaux ont refusé "l'autonomie spéciale" qui leur était concédée par le pouvoir de Jakarta. Véritable gifle pour ce dernier, le résultat du référendum avait, en droit et en fait, valeur de première étape dans le processus d'autodétermination de Timor-Est (19 000 km 2, 800 000 habitants).
Il s'en est suivi le déchaînement des milices pro-indonésiennes contre les Timorais indépendantistes, leurs vies et leurs biens, et contre les représentants de l'ONU. Dili, la capitale du territoire, a été détruite. Avec l'appui logistique de l'ABRI, la redoutable armée indonésienne, 200 000 Timorais ont été déportés dans la partie ouest de l'île. Le reste a dû se réfugier dans les montagnes pour échapper aux massacres.
Depuis, les Nations-Unies ont mis en oeuvre une mission d'interposition et de protection des populations civiles baptisée "Interfet". Y participent les principales puissances occidentales et certains pays asiatiques.

Voici quelques données qui aideront à mieux comprendre les conditions et les circonstances de cette terrible lutte de libération nationale.

Le peuplement de Timor
La plus ancienne couche de population de l'lnsulinde était constituée de peuples semblables aux Australiens aborigènes. Au troisième millénaire av. J C., ils sont submergés par les Austronésiens venus de l'Asie du Sud-Est.
Quelques siècles plus tard, une immigration Papoue complète les apports humains de base. Il en résulte un profond métissage.
Aujourd'hui, Timor et les îles voisines sont surtout peuplées par des Austronésiens centraux qui constituent une ethnie à part entière d'environ 2 millions d'individus (voir carte). Lointains cousins des Malais et des Javanais, proches parents des Moluquois, les principaux peuples Timorais sont les
Atoni (650 000, à Timor occidental) et les Tétun (400 000, à cheval sur les deux parties de l'île). A ce groupe, il y a lieu de rattacher un nombre indéterminé mais réduit, de métis Luso-timorais.
Au nombre de 250 000 dans ces mêmes îles, les Papous sont essentiellement représentés par les Bunak (75 000, au centre de Timor) et les Fataluku (30 000, à l'extrême-est de l'île).
Papous et Timorais sont également christianisés ; parmi ces derniers, les Atoni sont à majorité protestante, les Tétun sont catholiques.
Au nombre de quelques milliers, de petites colonies de Malais, de Soulous (les Sama Badjau), de "Chinois" (Hakka, Min) et même d'Arabes complètent le tableau.
La communauté non-autochtone la plus importante est cependant celle des Javanais. Environ 100 000 colons musulmans originaires de la grande île surpeuplée ont en effet été transportés à Timor dans le cadre de la "transmigration". Cette opération d'envergure, programmée dans les années 70 par le pouvoir central, vise à créer des foyers de peuplement javanais et malais dans les régions périphériques tentées par la sécession. Si elle n'est pas en mesure de résorber les excédents d'une démographie échevelée, la "transmigration" contribue efficacement à maintenir le joug colonial et la dictature des Javanais (45 % de la population indonésienne soit environ 100 millions d'individus) sur l'archipel tout entier. C'est parmi ces colons que se recrutent les sinistres milices "Aitarak", coupables des massacres et des sévices que l'armée indonésienne a organisés et couverts sans avoir le courage de les assumer.

L'histoire de Timor
Timor est connue depuis longtemps pour son bois de santal et ses épices.
Très tôt, elle sera incluse dans les réseaux commerciaux dominés par les Malais puis par les Javanais. Les Hollandais, établis en 1653 à Kupang, le chef-lieu de Timor-Ouest, supplantent les Portugais dans la partie occidentale en s'alliant aux princes atoni. Au début du XX°siècle ils prennent carrément en main l'administration de cette portion des Indes néerlandaises.
Portugais et Hollandais colonisent l'île de manière classique, exploitant ses richesses sans grand bénéfice pour les autochtones.
En 1945, I'lndonésie devient indépendante. Dès lors, se proclamant anti-impérialiste, elle vise à rassembler toutes les terres colonisées par les Hollandais: Timor-Ouest est intégré en 1949, les Moluques, en 1954, I'lrian-Jaya (la Papouasie occidentale), en 1963.
Au nom d'un grand principe, la volonté d'indépendance des populations mineures est totalement bafouée et
doit s'incliner devant la force.
En 1974, la "Révolution des œillets" met fin au régime colonial portugais à Timor-Est. Jakarta juge la situation propice pour parfaire son hégémonie sur I'lnsulinde. En novembre 1975, le front indépendantiste timorais, le FRETILIN,
proclame l'indépendance de Timor-Est. Il est balayé par l'armée indonésienne. Jakarta incorpore le pays dont elle fait sa vingt-septième province.
Avec la bénédiction des Etats-unis et de l'Australie, inquiets de l'apparition sur la scène régionale d'un pouvoir de tendance marxiste, Timor-Est est désormais soumis au pouvoir javanais.
Vingt ans d'une lutte farouche opposeront le FRETILIN à l'armée indonésienne. 200 à 300 000 Timorais disparaissent pendant les combats et, bien plus souvent, au cours des massacres perpétrés par l'ABRI. La colonisation démographique et économique accentue la mise en coupe réglée de Timor-Est. Une poignée de genéraux javanais et le clan Suharto règnent sans partage à Jakarta. Ils s'approprient des milliers d'hectares des meilleures terres et monopolisent le commerce du café, principale
production de l'île.
Sur le plan international, pendant ces interminables et tragiques années, seuls le Portugal et quelques ONG soutiennent activement la lutte du peuple Timorais. En 1989, soucieuse d'exploiter en commun avec l'lndonésie, le fabuleux gisement pétrolier de la fosse de Timor, I'Australie reconnaît de facto l'annexion. Peu nombreux mais efficaces, les relais extérieurs de la lutte indépendantiste réussissent cependant à éviter l'oubli de l'opinion publique mondiale. En 1996, Mgr Carlos Belo, I'évêque de Dili, et le dirigeant indépendantiste, José Ramos Horta, reçoivent le Prix Nobel de la Paix.
En 1987, le FRETILIN, I'organisation politico-militaire dirigée depuis 1987 par "Xanana" Gusmao, est très affaibli. Il s'associe à son ancien ennemi, I'UDT (Union démocratique timoraise), créée dès 1974 par les petits fonctionnaires métis Luso-timorais. Les deux partis forment alors le CNRM, le Conseil national de la résistance maubere. Sur le terrain, les jeunes générations quin'ont connu que la main de fer javanaise, ont pris le relais des patriotes combattants que l'armée a presque réussi à éliminer. Les manifestations d'étudiants sont permanentes malgré une impitoyable répression. Gusmao, quant à lui, est fait prisonnier en 1992.
C'est dans ce cadre que survient la crise politique et financière qui secoue l'lndonésie et le régime de Suharto. Celui-ci est renversé en mai 1998 et, bien que l'armée conserve un contrôle absolu sur le pays, un nouveau cours démocratique voit le jour. Le gouvernement de Jusuf Habibie se montre plus souple sur la question de Timor-Est et propose aux îliens une "autonomie spéciale". On s'achemine alors vers un référendum sous les auspices de l'ONU. Le résultat du scrutin est sans ambiguïté. L'heure de l'indépendance a sonné mais l'ABRI et les colons javanais s'y opposent férocement en pratiquant une sauvage politique de la terre brûlée. Lesforces de l'lnterfet débarquent fin septembre à Timor-Est et prennent le contrôle de Dili, la capitale ravagée d'un pays à naître.

Fidèles à Ieurs principes, les nationalistes Occitans se tiennent aux côtés du peuple Timorais. Ils appuient sa juste lutte pour la liberté et la reconnaissance internationale et dénoncent la dictature militaire indonésienne et ses hypocrites soutiens anglo-saxons, les USA et l'Australie. Ceux-ci, comme d'ailleurs la plupart des membres de l'Union européenne, n'ont en effet jamais interrompu leur soutien économique et militaire à la criminelle politique de l'Indonésie. Les pressions que ces Etats exercent aujourd'hui sur ce pays ont un arrière-goût amer, celui du sang des trop nombreux martyrs Timorais.

Jean-Louis Veyrac

Saint-Paulet, le 26/09/99


Voir aussi :

carte de l'Asie du Sud-Est