BELGIQUE

Royaume de Belgique
Capitale : Bruxelles
Superficie : 30 500 km2
Population : 9 900 000 hab.

Historique (1993)

Née de l'insurrection anti-hollandaise de 1830 et de l'opposition britannique à son rattachement à la France, la Belgique correspond aux anciens Pays-Bas méridionaux. Les parties orientales du Limbourg et du Luxembourg (l'actuel Grand-Duché et la Zélande au sud de l'Escaut, qui avaient suivi le mouvement séparatiste, furent rendus aux Pays-Bas en 1839 contre la reconnaissance de l'indépendance de la Belgique.

Le nouvel État était en ses classes dirigeantes d'inspiration libérale et francophone tandis que le peuple demeurait majoritairement catholique et, dans la moitié nord, parlait des dialectes thiois c'est-à-dire flamands.
Le suffrage censitaire - à l'origine un électeur sur dix- empêchait les Flamands de se compter. Ce fut une surprise générale quand le premier recensement linguistique, en 1846, révéla qu'ils étaient majoritaires (dans les 55%). Alors s'ébaucha une lente et sûre évolution vers l'organisation de l'État bilingue. D'abord à l'école, où le flamand, originairement cantonné, dans sa zone, à l'école primaire, accède au secondaire ; puis dans l'administration et la justice ; l'État bilingue (français-néerlandais) est enfin officiellement proclamé en 1921, avec, dans l'agglomération bruxelloise, une zone bilingue. Cependant, les limites des provinces (quatre néerlandaises et quatre françaises), et pour le Brabant, celles d'arrondissement (l'arrondissement de Nivelles est wallon) ne coïncident pas exactement avec la frontière linguistique. C'est pourquoi les lois de 1932 - une concernant l'administration, l'autre l'école - établissent un régime bilingue dans les communes où le recensement constate une minorité de 20% (ceci pour l'école) ou de 30% (cela pour les rapports administratifs). Seule l'agglomération bruxelloise reste figée dans le bilinguisme (plus théorique d'ailleurs que réel, le français l'emportant nettement). Or en 1947, des localités majoritairement flamandes (comme Edingen -en français : Enghien - dans le Brabant - se déclarèrent francophones pour obtenir le régime unilingue français. Excipant du caractère fallacieux des déclarations, les Flamands exigèrent que les résultats linguistiques du recensement ne fussent pas publiés et qu' ils soient à l'avenir supprimés.

Les régions linguistiques

On se trouve ainsi démuni de sources statistiques commodes pour établir les limites linguistiques actuelles en Belgique, celles-ci ne concernant d'ailleurs pas seulement deux langues mais aussi une petite zone de parler allemand. Pour le passé on se référera au livre d'Emile Legros, "La frontière des dialectes romans en Belgique" (1).
La législation de 1963 a, de son côté, dessiné quatre régions linguistiques (RL) : la néerlandaise, la française, l'allemande et celle dite "bilingue" de "Bruxelles-Capitale". Cette dernière - proche de la Wallonie, mais enclavée en Flandre- comprend 19 Communes dont Bruxelles ; elle forme en même temps l'un des arrondissements du Brabant et une "agglomération" au sens administratif. Mais l'agglomération réelle déborde aujourd'hui ces limites ; et six communes attenantes, incluses en Flandre, jouissent de "facilités linguistiques", c'est-à-dire de droits pour la minorité (ici francophone), qui vont jusqu'à la parité des langues dans le domaine scolaire et administratif externe. Le long de la frontière linguistique, six autres communes flamandes et quatre wallonnes sont "à facilités"; tel est aussi le statut de la RL allemande tout entière et, réciproquement, dans la RL française, de Malmedy et de Waimes.
Le dessin des RL officielles est grosso modo satisfaisant. Il n'est guère contesté qu'à Fouron (4 219 h.), commune fusionnée, passée de Liège au Limbourg sans consultation des habitants. Le territoire est incontestablement flamand mais la population voulait majoritairement rester liégeoise. Grâce au système de facilités, il existe une école publique française, et le français est admis dans les rapports administratifs à parité avec le néerlandais.
Les distorsions entre le tracé officiel des RL et le critère ethnique objectif sont plus grandes qu'avec le critère subjectif. Par exemple, les 19 communes de Bruxelles-Capitale sont originellement thioises ; de même la commune fusionnée d'Enghien (Enghien, Marcq et le nord de Petit-Enghien). Comines s'est progressivement francisée depuis le XVIIe siècle. En revanche, Spiere (Espierres) était wallon. Mais les plus importantes infractions au critère linguistique, on les trouve à l'est. La RL française retient - avec l'accord des populations - des territoires de dialecte allemand : une partie d'Aubel, Plombières, une partie de Welkenraedt, Baelen) ; ceci, dans la province de Liège. Dans celle de Luxembourg, c'est la quasi-totalité de l'arrondissement d'Arlon - sauf Arlon même - qui conserve son dialecte luxembourgeois.
Au recensement du l-l-l990, la RL néerlandaise comprenait 5 739 736 hab.; la RL française, 3 243 661; la RL allemande, 67 007 (l'aire germanophone totale correspondant au double de ce chiffre) ; la RL de Bruxelles-Capitale: 964 385 (dont 80% environ - étrangers défalqués -, dans les sondages ou pour certaines démarches administratives, se déclarant "francophones").

Vers la confédération

Du point de vue constitutionnel et administratif, la Belgique est devenue une quasi-fédération qui évolue vers le confédéralisme ; l'autonomie des entités composantes est très poussée (plus qu'en tout autre État régionalisé, Espagne comprise). Celles-ci sont de deux ordres: les Régions et les Communautés.
Les Régions sont : la "flamande", la "wallonne" et Bruxelles-Capitale. Elles disposent de compétences économiques et administratives sans cesse plus étendues.
Les Communautés sont : la "flamande", la ''française'' et la "germanophone". La flamande et la française débordent les limites de la Flandre et de la Wallonie pour s'occuper des ressortissants flamands et francophones de Bruxelles ; l'allemande, qui épouse les limites de la RL allemande, est incluse en Wallonie. Un accord avec la Région wallonne l'associe aux décisions régionales la concernant. Les Flamands ont fusionné les organes régional et communautaire, avec siège à Bruxelles. Les francophones, au contraire, divisés en Bruxellois et Wallons, maintiennent la dualité des institutions, la Région wallonne ayant son siège à Namur, et la Communauté française à Bruxelles.
Les Communautés ont compétence dans tout le domaine éducatif et culturel, y compris la radio et la télévision. De plus, les matières d'ordre social dites "personnalisables" (politique de santé, aide aux personnes, recherche scientifique appliquée) sont ajoutées aux attributions culturelles. Les Communautés peuvent conclure dans leurs domaines respectifs de véritables traités et participer à des organisations internationales, telle l'Union de la langue néerlandaise. Ces pouvoirs vont plus loin que ceux que les Fédérations reconnaissent à leurs membres.

La Belgique est donc en marche vers la Confédération, le pouvoir central - fortement symbolisé par la monarchie - ne conservant que la défense, l'essentiel des relations internationales, la monnaie, la Sécurité sociale et un certain nombre de services publics comme la Justice, les Finances (malgré d'importants transferts aux Régions et Communautés), ce qui reste des douanes, les postes, les chemins de fer, l'aviation civile. En 1992, le parlement a décidé La suppression de la conscription.
L'accord interpartis du 29 septembre 1992 prévoit l'élection au suffrage universel des Conseils régionaux - aujourd'hui composés des parlementaires "nationaux" élus dans les régions - et le transfert aux régions de nouvelles attributions en matière d'agriculture, de Sécurité sociale, de commerce extérieur et de relations internationales. La province du Brabant doit disparaître au profit de trois entités dont deux - l'arrondissement de Hal-Vilvorde et celui de Nivelles - seront éventuellement rattachés aux provinces unilingues voisines. Bruxelles-Capitale devrait normalement constituer, en raison de son bilinguisme, une province à part. Pour aboutir, la réforme exige une majorité des deux-tiers au Parlement, lequel, pour la circonstance, doit être renouvelé.

Les grands partis, dit "nationaux" (libéral, social, chrétien, socialiste) ont éclaté en partis flamands et francophones. A côté d'eux, des partis ethniques comme la Volksunie , du côté flamand, le Rassemblement wallon et le Front démocratique des Francophones (pour les Bruxellois) ont joué un rôle important dans l'évolution centrifuge qui s'achève. De création plus récente, le Vlaamse Blok, qui lutte contre l'immigration exotique, vient de dépasser la Volksunie.
Selon un sondage du journal De Standaard en 1992, 30,9% des Flamands, invoquant la contribution excessive de la Flandre à l'entretien de l'État commun, se prononceraient pour l'indépendance. Les émancipations à l'Est et l'existence de la Communauté européenne comme structure d'accueil consolident les deux peuples (ou, mieux dit : fragments de peuple) dans leurs convictions confédéralistes et séparatistes. Du côté wallon, s'est constitué -et ce n'est pas le premier dans l'Histoire - un "Mouvement pour le retour à la France".
Mais la faiblesse du régionalisme français comparé à l'autonomie wallonne actuelle rend le projet moins attractif qu'il pourrait le sembler, d'autant que peu de Français de France connaissent et soutiennent la cause wallonne (et bruxelloise). N'a-t-il pas fallu, par exemple, changer en "Centre Wallonie-Bruxelles" la Délégation de la "Communauté française de Belgique" à Paris, le public ne comprenant pas qu'il pût y avoir une "Communauté française'' - réalité constitutionnelle pourtant - composée de citoyens belges.
Le proche avenir de la Belgique est donc dans le confédéralisme. Car, à aller plus loin, les Belges des trois ethnies ne voient pas ce qu'ils gagneraient. Entre la Flandre et les Pays-Bas, l'Histoire a creusé un fossé. Bien que majoritairement catholique, la Hollande demeure en effet un État de tradition protestante ; et elle n'a jamais manifesté pour la Flandre plus d'intérêt que la France pour la Wallonie. Quant aux Allemands d'Eupen et de St Vith, on entend déjà le reproche de pangermanisme monter de toutes les capitales européennes s'ils s'avisaient de rejoindre la Rhénanie dont la paix de Versailles les a séparés sur la base d'une caricature de consultation. A lointaine échéance, les réalités ethniques pourraient cependant recevoir le sceau juridique. Cela n'apporterait guère de changement effectif, sauf pour Bruxelles, appelée à devenir le district fédéral de l'Union européenne.

Guy Héraud 1993

carte

tableau des populations, ethnies, langues, religions

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