L'ETHNIE LA NATION HEBREUE

LUGAR NUMERO 13 (OCTOBRE 1980)

LA NATION HEBREUE (OU ISRAEL) - HISTORIQUE

La famille ethno-linguistique sémitique est composée de six langues, six nations : les Araméens, qui peuplaient jadis l'Irak, la Syrie et le Liban ; les Arabes, qui jusqu'au VIIème siècle peuplaient uniquement l'actuelle Arabie Séoudite ; les Himyarites, qui se trouvaient dans tout le sud de la péninsule arabique ; les Amharas et les Tigréens, dans l'Ethiopie et l'Eritrée actuelles; et enfin les Hébreux. Deux autres ethnies sémitiques disparurent au cours des siècles : les Assyro-Chaldéens et les Phéniciens.

Les Hébreux se différencièrent des autres tribus sémites vers le XIIIe siècle avant Jésus-Christ, c'est-à-dire quand Moïse leur donna la religion juive, les organisa et les installa dans le pays alors appelé Canaan et connu depuis lors comme "Eretz Israël". Peu de nations ont eu une histoire aussi mouvementée, aussi tragique. Ils réussirent d'abord à éliminer l'invasion d'un peuple grec venu par mer, les Philistins (d'où vient le mot "Palestine", que les Grecs ont diffusé tant en Occident que dans les pays arabes). Ils subirent les invasions militaires des Egyptiens , des Assyro-Chaldéens, des Grecs et des Romains. Leurs soulèvements contre l'empire romain furent écrasès en 70 et en 135 après J.C., et, à partir de cette époque, une grande partie du peuple émigra, se dispersa d'une part dans les pays méditerraneens (ceux-ci sont appelés Sefardis), d'autre part en Europe centrale et orientale (ceux-là sont appelés Ashkenazis).

A partir de l'invasion arabe au VIIème siècle, commença une immigration de colons arabes qui se continua jusqu'à notre époque, et surtout après les massacres réalisés par les Croisés aux XIe et XIIe siècles, les Arabes devinrent majoritaires. Une minorité autochtone hébreue demeura sans interruption dans les villes de Jérusalem, Hebron, Safed, Tiberiade, Gaza, maintenue jusqu'en 1918 sous la domination des sultans turcs.

Jusqu'au XIXe siècle, les Hébreux furent presque partout et presque toujours soumis aux humiliations, aux persécutions et aux massacres périodiques, tout autant dans les pays chrétiens que dans les pays musulmans. A partir du XIXe siècle, les discriminations contre les Hébreux disparurent en Europe occidentale, et, dans ces pays, le principal danger devint celui de leur absorption, de leur assimilation en douceur, c'est-à-dire de leur disparition en tant qu'ethnie (le même sort qui menace les Occitans et les autres nations colonisées d'Occident).

Au cours des millénaires de dispersion, les Hébreux surent garder leur conscience ethnique, leur religion, leur langue (non comme langue habituelle mais comme langue culturelle et comme langue de relation entre cammunautes de divers pays), et leur foi invincible dans le retour dans la patrie : "L'an prochain a Jerusalem !". A la fin du XIXe siècle Theodor Herzl créa le mouvement national hébreu, le sionisme, qui est un Front National rassemblant des partis très divers (depuis le Herouth, assez semblable au gaullisme français, jusqu'au Mapam, de tendance trotskiste), et dont le but est le retour des Hébreux dans leur patrie et la création d'un état indépendant hébreu. En 1921, la Sociéte des Nations confie Eretz Israël à l'Angleterre avec le mandat d'y créer un Foyer national hébreu. L'Angleterre viola de toutes les manières le mandat qui lui avait été donné : d'abord en détachant les 2/3 du territoire pour en faire un royaume arabe fantoche, la Jordanie ; ensuite, en interdisant le retour au pays des dizaines de milliers d'Hébreux qui fuyaient l'Allemagne nazie ; enfin en tentant de conserver sa domination sur le pays. Après la Seconde Guerre mondiale et les massacres hitlériens, la Résistance hébreue (l'Irgoun, dirigée par Begin) mena une lutte armée contre la domination britannique, et finalement l'O.N.U. vota le partage de ce qui restait du pays en deux eéats
Israë et la "Palestine" arabe. Dès le jour de son indépendance, l'état d'Israël fut envahi par les armées de sept états arabes, qui furent battues, malgré leur énorme superiorité en nombre et en matériel
Depuis cette époque, tous les états arabes proclament leur volonté de détruire l'état d'Israël, organisent le blocus contre lui et financent une organisation, l'O.L.P. dont les activités terroristes se manifestent uniquement contre la population civile israëlienne. Depuis 1977, un premier état arabe l'Egypte, négocie la paix avec Israël.

NATION HEBREUE ET NATION ARABE
POSITIONS ANTI -IMPÉRIALISTES :

  1. Quelle que soit la définition que l'on donne de la Nation, il est incontestable que les Hébreux sont une nation véritable, une ethnie.
    Tout anti-imperialiste, tout ethniste, tout progressiste doit soutenir inconditionnellement le droit de la nation hebreue à l'indépendance dans des frontières justes (comme pour toute nation du monde).
  2. Ce droit ne peut en aucun cas dépendre du jugement que l'on porte sur la politique du gouvernement israélien, sur tel ou tel aspect du régime ou de la société israëliens. Donnons seulement quelques indications à ce sujet : l'économie est mixte, moitié nationalisée, moitié privée ; plus de 50 % de l'industrie appartient à la centrale syndicale; la terre est totalement nationalisée et elle est cultivée en partie par des coopératives, en partie par des "kibboutz" (seules collectivités dans le monde dont le fonctionnement interne est totalement communiste) ; moins de 40% de la population est religieuse et seulement 18 % vote pour les partis religieux mais la laïcite est peu satisfaisante ; il existe encore une assez grande inégalite sociale entre Ashkenazis et Sefardis, en raison de l'analphabétisme massif de ceux-ci lors de leur retour ; les libertés démocratiques sont totales (à peu prés comme en Suède) y compris pour les partis anti-israëliens. Les Arabes vivant en Israël ont un niveau de vie, un niveau d'instruction et un niveau sanitaire supérieurs à celui de tous les pays arabes excepté le Koweit.
  3. Il nous parait fondamentalement juste qu'une nation qui n'a plus de territoire recupère son territoire historique , mais dans ce cas on doit tenir compte du nombre des populations, de la densité des deux nationalites en présence. La nation hébreue n'a pas encore libéré la totalité de son territoire historique : le pays de Gilad à l'est du Jourdain, reste encore annexe par la Jordanie. Il reste encore environ douze millions d'Hébreux dispersés (surtout en Amérique, en U.R.S.S. et en Europe occidentale), et il est probable qu'une partie de ceux-ci voudront rentrer dans leur patrie, qui se révèlera alors trop étroite. Il parait donc juste de reconnaître à Israël la presqu'Ile du Sinai, qui est et a toujours été inhabitée (sauf sa partie nord-ouest qui a un faible peuplement arabe et qu'Israël a dejà rendue à l'Egypte). Soulignons que les Arabes, qui sont environ dix fois plus nombreux que tous les Hébreux réunis, possèdent des territoires cent fois plus étendus.
  4. Une petite nation dans le monde actuel ne peut souvent se sauver d'un impérialisme tout proche que par l'aide d'un impérialisme lointain. De la même manière que la Yougoslavie fut sauvée de la menace russe par l'aide américaine et Cuba sauvée de la menace américaine par l'aide russe. L'alliance avec Israël est une catastrophe pour les intérêts américains, tant au point de vue économique que diplomatique mais elle est imposée à tout gouvernement américain par les nombreux électeurs hébreux ainsi que par l'immense majorité de l'opinion publique américaine.
  5. Il n'y a pas plus de nation "palestinienne" que de nation sy-rienne, irakienne, séoudienne ou lybienne. Il n'y a qu'une seule et même nation arabe qui n'a pas encore réalisé son unité, et les Arabes d'Israël, appelés "palestiniens" n'en sont qu'une petite fraction la totalité des mouvements palestiniens se proclament eux-mêmes l' avant-garde du nationalisme arabe. Les "Palestiniens"-sont historiquement des colons, immigrés peu a peu depuis le VIIe siècle jusqu'en 1948. On ne doit jamais oublier que toute décolonisation est aussi dans tous les pays une décolonisation démographique : la grande majorité des colons doit partir et rentrer dans son pays. Cette solution, certes pénible pour les intéressés, est cependant la seule juste et la seule possible à longue échéance. C'estce qui s'est passé pour les deux millions d'Européens d'Afrique du Nord et c'est ce qui se passera un jour pour les trois millions d'Européens d'Afrique du Sud. La moitié des Arabes "palestiniens" se sont enfuis dans les pays arabes voisins ; dans certains de ceux-ci (Syrie,Koweit), ils se sont parfaitement integrés a la population locale dont rien ne les distingue ; dans d'autres (surtout Liban), ils vivent misérablement dans des camps qui sont, bien entendu, les bases du terrorisme anti-israëlien. Tôt ou tard, tous les Arabes d'Eretz Israël devront être rapatriés dans les pays arabes sous-peuplés. Le nombre des "Palestiniens" émigrés d'Israel vers les pays arabes est d'ailleurs identique a celui des Hébreux émigrés des pays arabes en Eretz Israël.
  6. L'anti-sionisme est la principale forme actuelle de l'anti-sémitisme puisque le sionisme est le mouvement national hébreu. Ce n'est pas un hasard si le principal inspirateur des mouvements "palestiniens" a été Amin al Husseini speaker de Radio-Berlin pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce n'est pas un hasard si le principal de ces mouvements, Al Fatah, est officiellement financé par l'état séoudien, qui est à la fois le dernier état esclavagiste et le plus gros trust pétrolier du monde. Personne ne peut ignorer que l'O.L.P. (qui rassemble tous les mouvements "palestiniens") a pour objectif officiel la destruction de l'Etat d'Israël et qu'elle propose aux Hébreux de devenir des Arabes (sans discrimination religieuse), c'est-à-dire exactement la même chose que l'O.A.S. (l'organisation fasciste des colons français d'Algérie) proposait aux Algériens : abandonner leur nationalité, devenir des "Français a part entière". Enfin ce n'est pas un hasard si les seuls états d'Europe qui ont refusé de reconnaItre Israël ont été l'Espagne franquiste et le Vatican.

Chacun peut critiquer largement le régime israëlien, comme le régime cambogien, comme la politique de tout autre état. Mais aucun progressiste, aucun internationaliste, ne peut refuser son soutien inconditionnel à la nation hébreue et à la nation cambodgienne contre les impérialismes arabe et vietnamien.
Nous, nationalistes occitans, et internationalistes conséquents, en plein accord avec la Roumanie communiste et nationaliste, avec le Président Allende du Chili et Jean-Paul Sartre sur ce point, nous déclarons entièrement solidaires de la lutte de la nation hébreue pour sa survie comme nation indépendante. Nous reconnaissons au mouvement national hébreu, au sionisme , une valeur exemplaire pour toutes les nations colonisées et assimilées. Rendre sa conscience nationale et sa dignité à un peuple martyrisé depuis deux mille ans, particulièrement tenté par la résignation, l'assimilation et les facilités de la sociéte de consommation, ramener trois millions de gens dans leur patrie rendue désertique par les féodaux arabes et turcs, et faire de cette terre le pays le plus prospère du Proche-Orient, faire de l'hébreu, langue presque morte, la seule langue officielle, scolaire, usitée par tous, d'une société moderne, est une &brkbar;uvre qui fait honneur à l'humanité entière, un modèle pour toutes les nations colonisées.
Nous disons clairement aux groupes "de gauche" qui se veulent anti-sionistes qu'ils font ainsi la preuve soit de leur ignorance totale ce dont ils parlent, soit de leur volonté d'utiliser malhonnêtement les questions nationales pour des objectifs tous autres, totalement contraires à la décolonisation et à l'anti-impérialisme.

François FONTAN

(La traduction en italien de cet article est parue dans les numéros 38 - février et 39 -avril 79- d "'OUSITANIO VIVO" 44 via Cuneo / I-12015 LIMONE / Occitania per Italie ; ce n'est pas le dernier article de François Fontan - puisqu'il en est paru encore ultérieurement, dans Ze même journal, par exemple sur l'agression vietnamienne au Cambodge , mais c'est le dernier que nous ayions reçu de sa main, et qui plus est il est comme l'esquisse, le projet d'une brochure qu'il préparait et que nous devions éditer).

UN SIONISTE OUBLIÉ

Interview donne au journal Der Weg de Mexico et a l'agence télégraphique juive, par Léon TROTSKY, le 18 01 1937.

Avant d'essayer de répondre à vos questions, je dois vous prévenir que je n'ai malheureusement pas eu l'occasion d'apprendre la langue juive qui, d'ailleurs, ne s'est développée que lorsque j'étais adulte. Je n'ai pas eu et je n'ai pas la possibilité de suivre la presse juive, ce qui ne m'empêche pas de me faire une opinion exacte sur les différents côtés d'un problème si important et si tragique. Je ne puis donc prétendre à une autorité particulière pour répondre à vos questions. Je vais malgré tout essayer de vous dire ce que je pense.
Pendant ma jeunesse, j'inclinais plutôt vers le pronostic que les juifs des différents pays seraient assimilés et que la question juive disparaitrait ainsi.

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