FLUXUS - BLA BLA FLUXUS - 2006-07-19

Documents Fluxus

Qu'est-ce que Fluxus ? Qu'a-t-il à voir avec l'art, avec l'idée de mouvement artistique ? Avec Dada, John Cage, Marcel Duchamp, le happening ? Qu'a-t-on dit quand on prononce ce mot ?
Le premier volume d'une anthologie regroupant des textes des acteurs de Fluxus, édité par les soins des Presses du Réel, donne de nombreux éléments de réponse.
Intelligemment présentés par Nicolas Feuillie, ces écrits divers (manifestes, lettres, entretiens, récits) sont répartis en trois chapitres aux titres parlants.
Le premier, C'était Fluxus, est constitué de textes parus 15 ou 20 ans après la naissance de Fluxus. Il commence par des souvenirs de Tomas Schmit,  racontant quelques anecdotes liées aux premiers festivals, avec une grande subjectivité ("chaque fois que j'entends prononcer Fluxus et happening dans un même souffle ou que je le vois associés dans le titre d'une exposition, ou même jetés ensemble dans un seul et même pot, je frémis comme si je voyais une carpe enculer un canard : ces deux choses ont très peu en commun et beaucoup les séparent").  Wolf Vostell y exprime les différences de sensibilités au sein de ce non-mouvement ("Le sentiment du groupe était qu'il n'y avait pas de sentiment de groupe"). Ben Vautier, à sa manière très personnelle, précise autant que drôle, rappelle les grands apports de Fluxus (la participation du public, l'event, le divertissement, le mail art). Au centre de ce chapitre, une interview passionnante de George Maciunas, l'inventeur de Fluxus, réalisée la veille de sa mort, permet de découvrir un personnage complexe, quelque peu obsessionnel dans la classification des mouvements artistiques, attaché aux principes du concrétisme, du fonctionnalisme, du formalisme et à l'humour
"Il m'est apparu finalement qu'après quelques années, c'est devenu, je ne dirais pas un groupe, mais plutôt comme un mode de vie, tu sais. Là où Dada a nettement été un groupe étroit, avec un strict système d'adhésion. Fluxus ne l'est pas. C'est plutôt une manière de faire les choses, tu sais. Très informel, une espèce de groupe pour rire. Essaie de demander à quelqu'un comme George Brecht : "Es-tu Fluxus ?", il se moquera juste de toi. Cela ressemble plus au Zen qu'à Dada, en ce sens. Si tu demandes à un moine Zen : "Êtes-vous Zen ?", il ne te répondra sans doute pas en disant : "Oui, je suis Zen." Il te donnera une réponse bizarre, comme de te frapper sur le crâne avec un bâton. Il n'y a rien de rationnel dans le groupe. Ce n'est pas facile de le décrire en une phrase, de donner ses caractéristiques. Mais je pense que tu es conscient de beaucoup de choses. Il y a de l'humour ; il y a vraiment du fonctionnalisme, en grande quantité ; c'est très concret, je pense ; il y a des influences comme celle de John Cage, une énorme influence, et Duchamp, et à un degré moindre peut-être Yves Klein par le biais de Ben Vautier. Et en musique, la même chose, encore le concrétisme, comme l'humour peut déboucher sur l'absurdité et des choses comme ça, ou le théâtre absurde. Là, avec le monomorphisme, tu as parlé de monomorphisme, c'est un élément important qui doit être mentionné. C'est là où on diffère du happening. Tu vois, les happenings sont polymorphes, ce qui veut dire beaucoup de choses arrivant [happening] en même temps. C'est bien, c'est comme le théâtre baroque. Tu sais, c'est beaucoup de choses se déroulant en même temps : des chevaux sautant, des pyrotechnies, des jeux d'eau, quelqu'un récitant des poèmes et Louis XIV prenant son repas. Donc, c'est du polymorphisme. Ce qui veut dire beaucoup, beaucoup de formes. Le monomorphisme, ça veut dire une seule forme. La raison en est que, tu vois, beaucoup de choses dans Fluxus sont comme des gags. C'est la part de l'humour, c'est comme un gag. En fait, je ne le mettrais pas dans une classe plus haute qu'un gag, peut-être un bon gag."


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