LANGUES EN FRANCE - A TITRE D'INFORMATION TEXTE A LIRE (POUR ET CONTRE ) - 2007-12-02



"Il faut faire de la transparence. Il n'y a aucune raison de dissimuler un certain nombre d'éléments qui peuvent être utiles à la compréhension de certains phénomènes".
Du communautarisme au républicanisme incantatoire : que penser du revirement rhétorique de Nicolas Sarkozy ? 17/09/2006
Depuis ses premiers discours de campagne présidentielle de Nîmes et d'Agen, le probable candidat de l'UMP Nicolas Sarkozy a troqué son discours habituel vantant les "identités" et les "spiritualités" pour se faire le héraut de la République et de ses valeurs. Une analyse sérieuse de ses positions et de celles de ses principaux lieutenants conduit pourtant à ne déceler dans ce soudain accès de républicanisme qu'un nouvel avatar de l'opportunisme politique et de la stratégie de corruption idéologique qui amène à répudier la République en son nom.

Le pari de Sarkozy : «Les communautés, c'est moi», selon le quotidien Le Monde 07/03/2006
Plus de deux ans après l'Observatoire du Communautarisme (cliquer ici), Le Monde découvre que la stratégie présidentielle de Nicolas Sarkozy consiste à surfer sur le communautarisme. Dans un article intitulé "Les communautés, c'est moi", Jean-Baptiste de Montvalon détaille la tournée des popotes communautaires du ministre de l'intérieur : juifs, musulmans, chinois et noirs sont ouvertement dragués.
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L'analyse du journal Le Monde :
Compter les minorités visibles ? A l'inverse de certains pays anglo-saxons, la France s'y est jusqu'à présent refusée, au motif - gravé dans le marbre constitutionnel - que la République ne connaît que des citoyens, "sans distinction d'origine, de race ou de religion". La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) l'a rappelé, dans un avis du 8 juillet 2005 : si le droit français autorise la collecte de données sur la nationalité et le lieu de naissance d'un individu et de ses parents, il interdit de "recueillir des données relatives à l'origine raciale ou ethnique réelle ou supposée".
La controverse, qui n'agitait guère que les démographes, a pris de l'ampleur à partir de la fin des années 1990, lorsque les pouvoirs publics français - sous la pression des instances européennes - ont affiché leur volonté de combattre les discriminations. En mettant en évidence les failles du "modèle français d'intégration", ce combat a indirectement contribué à nourrir des plaidoyers pour la reconnaissance des minorités dites "visibles". Jusque dans l'outil statistique, où elles sont justement invisibles : "Il existe une source spécifique d'inégalités, qui est liée à l'origine ethnique et raciale. La stratégie française d'indifférenciation compromet l'observation et l'analyse des discriminations", souligne ainsi Patrick Simon, chercheur à l'Institut national des études démographiques (INED).
Le sujet divise au sommet de l'Etat. Dans le prolongement de son plaidoyer pour la discrimination positive, Nicolas Sarkozy s'est clairement prononcé pour le comptage ethnique. "Je n'ai toujours pas compris pourquoi certains trouvent choquant que l'on répertorie en France les catégories de populations selon leur origine. (...) Si l'on refuse de reconnaître la composition de la société française, comment pourrons-nous intégrer ceux à qui l'on nie leurs spécificités et leur identité ! Cela n'a aucun sens !", s'est exclamé le ministre de l'intérieur, mardi 2 mai, lors de l'examen par les députés de son texte sur l'immigration.

Se posant en défenseurs du "modèle républicain", le chef de l'Etat et le premier ministre ont rejeté toute initiative en ce sens. Ainsi ont-ils obtenu, début mars, le retrait d'un amendement sénatorial - adopté par les commissions des lois et des affaires sociales - visant à ce que soit établi "un cadre de référence comprenant une typologie des groupes de personnes susceptibles d'être discriminées en raison de leurs origines raciales ou ethniques". Ce "cadre de référence" devait être destiné à "mesurer la diversité des origines" dans les administrations et les entreprises de plus de 150 salariés. Le débat, qui est intervenu à l'occasion de l'examen du projet de loi sur l'égalité des chances, a tourné court.

Par l'entremise du sénateur (UMP) de Paris, Roger Romani, l'Elysée a fait connaître son veto. Quant aux velléités du ministre de l'emploi, Jean-Louis Borloo, et du ministre délégué à l'égalité des chances, Azouz Begag, qui s'étaient montrés ouverts sur cette question, elles ont été balayées par un arbitrage de Matignon.

Pour freiner ce mouvement, Jacques Chirac peut aussi compter sur Louis Schweitzer, qu'il a nommé à la présidence de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde). Pour l'ancien directeur de cabinet de Laurent Fabius, le comptage ethnique est une méthode "lourde de risques", parce qu'elle " nourrit une logique de séparation de communautés". "C'est l'histoire de la poule et de l'oeuf", réplique Jean-René Lecerf, sénateur (UMP) du Nord et coauteur de l'amendement sur le "cadre de référence". "Ce sont les discriminations qui nourrissent le communautarisme, et non l'inverse", affirme-t-il.

"Ignorer la réalité des discriminations est un danger bien plus redoutable pour la France que le communautarisme", renchérit Roger Fauroux, ancien président du Haut Conseil à l'intégration et auteur d'un rapport sur "la lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l'emploi". Pour lui, le testing et le CV anonyme - des "outils majeurs", selon M. Schweitzer - ne sont que des "méthodes détournées", que l'on utilise parce qu'"on ne veut pas regarder la réalité en face".


Certains des plus fervents partisans du modèle républicain en viennent eux-mêmes à douter. "Lorsque le type d'application de modèle conduit à l'inefficacité et fabrique des exclus, je ne suis pas sûr que la fidélité aux grands principes ait un sens", affirmait le premier président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, dans un entretien au Monde du 23 février, où il se montrait ouvert à une forme de recensement par origine ou nationalité, sous réserve de confidentialité.


Le débat est également ouvert au sein des communautés religieuses. Alors que le souvenir des fichiers juifs de l'Occupation pèse lourdement sur ce débat, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), Roger Cukierman, s'est dit favorable à l'instauration de catégories religieuses dans le recensement français. "J'estime que nous avons besoin d'informations. L'ignorance est mauvaise conseillère et favorise les préjugés", a-t-il affirmé dans un entretien au Figaro Magazine du 2 juin, tout en précisant que ce "sujet complexe divise la communauté juive de France". A l'inverse, le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur, s'est déclaré résolument hostile à une telle réforme : "Vouloir caractériser les gens par leur religion, c'est se tromper de temps et de République."


Président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), créé le 26 novembre 2005, Patrick Lozès entend pour sa part se définir haut et fort comme "Noir". "Refuser de prendre en compte la population noire dans les statistiques de l'Insee, c'est faire comme si elle ne comptait pas", soutient-il. Si la couleur de la peau apparaît bien comme un facteur de discrimination, les Français d'outre-mer ne semblent pas prêts pour autant à se ranger dans la même "catégorie" que leurs concitoyens d'origine africaine.


Ce sujet très sensible est l'un des obstacles à l'instauration d'un comptage ethnique. Il en existe d'autres : "Quel sort réserver aux métis, dans une société marquée par la mondialisation et le métissage ?", s'est interrogée Bariza Khiari, sénatrice (PS) de Paris, qui redoute, elle aussi, qu'une telle réforme entraîne "une communautarisation de la société". Le projet du Parti socialiste promet la mise en place d'"un bilan de l'égalité" dans les grandes entreprises et les administrations. Mais ce dernier n'intégrerait que "des statistiques en fonction du domicile des salariés".

Compte tenu des fortes résistances et réticences que susciterait une éventuelle réforme, ses partisans revoient leurs ambitions à la baisse. "On ne peut pas aller plus vite que la société", relève Patrick Simon, qui se "contenterait" désormais d'un avis de la CNIL permettant de "systématiser le recueil des données sur le pays de naissance des parents dans tout l'appareil statistique".


Jean-Baptiste de Montvalon et Laetitia Van Eeckhout
Article paru dans l'édition du 02.07.06

Le 8 mars 2006, le journal Le Monde titrait « M. Sarkozy : les communautés, c'est moi ». Effectivement, les proches du président de l'UMP ne cachent rien sur les pourcentages de voix escomptés aux présidentielles dans chaque communauté ethnico-religieuse et n'hésitent pas à faire part de leur principal souci : « La communauté noire où Sarkozy doit être à 20% et encore... ». M. Abderrahmane Dahmane, président des démocrates musulmans et « secrétaire national de l'UMP chargé des relations avec les associations des Français issus de l'immigration » (sic) dévoile tout sur le clientélisme outrancier du président du mouvement mais on sait que le rejet du modèle républicain est aussi partagé par de nombreux responsables de l'UMP. Le maire d'Asnières, Manuel Aeschlimann, n'hésite pas à proclamer « l'échec du sacro-saint principe de l'intégration républicaine » et à décréter « Il faut segmenter tout cela et cibler chaque groupe ». Après avoir chaleureusement agrémenté de sa présence l'inauguration du Conseil représentatif des associations noires (CRAN) en compagnie de Patrick Devedjian, Madame Roselyne Bachelot, vice-président de l'UMP, déclare également avec une belle assurance que « la nostalgie du creuset républicain n'est en aucun cas opérationnelle et que le phénomène communautaire est inévitable dans une société globalisée » avant de remercier chaleureusement le CRAN pour son invitation à « passer de l'indifférence à la différence ». Enfin, en guise de cerise sur le gâteau, le sociologue Michel Wieviorka, grand prêtre du multiculturalisme, voit dans Nicolas Sarkozy l'homme politique qui a le mieux compris qu'on était dans une configuration post-républicaine et qui « s'y installe ». Dans l'entourage du président de l'UMP certains conseillers se sont également déclarés « effrayés » par les réactions de satisfaction à la décision du Conseil d'Etat refusant l'intégration des écoles Diwan dans le public, y voyant l'image de la « République casquée » face aux « enfants de l'esprit nouveau » (1).
Nul doute donc, après tout ce que l'on sait déjà de l'engouement de Nicolas Sarkozy en faveur des discriminations positives et des « préfets musulmans », que la « rupture » essentielle proposée par le candidat UMP devrait être celle du modèle républicain. Il suffit, pour s'en convaincre, de voir les affiches du ministère de l'Intérieur qui s'étalent déjà sur les murs des Facultés de droit pour vanter « une police aux couleurs de la République », lesquelles ne sont plus « bleu, blanc, rouge », mais « black, blanc, beur » ...
Après un tel credo bien enraciné en faveur des thèses post-républicaines, les récents discours tenus le 9 mai à Nîmes, le 22 juin à Agen et le 3 septembre à Marseille, ont de quoi surprendre et ont effectivement surpris. Voila soudain que la France, l'Etat-Nation, l'intérêt général, le service public, la langue française, Charles Martel, Napoléon, Jaurès, Blum et de Gaulle se sont retrouvés au goût du jour et que Nicolas Sarkozy nous a fait le numéro « Plus républicain que moi tu meurs ! ». Nous eûmes le droit à des formules incroyables : « D'où vient la tentation communautariste qui s'oppose à l'idée que je me fais de la nation ? » (Nîmes) ou encore « Sans elle [la République] vous aurez le communautarisme, la loi des tribus, chacun renvoyé à ses origines ethniques, à sa religion » (Marseille). Adieu Bachelot, le CRAN, le CRIF (Conseil représentatif des institutions juives de France) et Wieviorka ?
Sans doute lesdits propos sont-ils noyés dans des discours-fleuves d'une saisissante démagogie, dont la caractéristique dominante réside dans un ego surdimensionné et passablement narcissique. Il est rare que le « je » soit à ce point présent dans des discours-programme. Il n'en demeure pas moins que ce retour de la rhétorique républicaine montre que le président de l'UMP a été averti du risque de rejet par les Français de ses thèses communautaristes et qu'il a peut-être enfin compris que, dans une démocratie digne de ce nom, ce n'est pas en courtisant des minorités que l'on obtient la majorité. Les conseillers de Nicolas Sarkozy sont peut-être convaincus de la décrépitude du cadre stato-national mais les résultats du référendum du 29 mai 2005 ont démontré l'attachement du peuple français à l'Etat, que ce soit l'Etat régalien pour le « non » de droite ou l'Etat providence pour le « non » de gauche. Il n'est jamais trop tard pour apprendre à lire un scrutin passé, surtout lorsque le suivant se profile.
Ne pouvant toutefois pas risquer de déplaire subitement à ses clientèles communautaires, le président de l'UMP s'est trouvé contraint de faire le grand écart et de multiplier les assertions parfaitement contradictoires.
Ainsi a-t-on entendu le candidat à l'élection présidentielle indiquer à Marseille qu'il ne transigerait sur aucun de nos principes fondamentaux et notamment celui de « l'égalité des droits » avant d'affirmer aussitôt qu'il restait « partisan de la discrimination positive » alors que celle-ci se définit précisément comme une rupture de l'égalité de droit destinée à réaliser une égalité de fait. Il ajoute qu'« on ne portera pas atteinte à nos principes fondamentaux en donnant plus ceux qui ont moins » alors qu'il a cependant déclaré à Agen : « au fond, depuis 25 ans, on fait une politique qui se résume tout entière à prendre aux uns pour donner aux autres, à pénaliser les uns pour favoriser les autres, à déshabiller Pierre pour habiller Paul ». Et le même de dénoncer « on crée des ZEP soi-disant pour réduire les inégalités »... mais les ZEP reposent précisément sur l'idée de discrimination positive !
En proposant, à Agen, à « ceux qui au lieu de se donner du mal pour gagner leur vie préfèrent chercher dans les replis de l'histoire une dette imaginaire que la France aurait contractée à leur égard et qu'à leurs yeux elle n'aurait pas réglée et qui préfèrent attiser la surenchère des mémoires pour exiger une compensation que personne ne leur doit plutôt que de chercher à s'intégrer par l'effort et par le travail (...) » de quitter le territoire national, et aux autres de se satisfaire de « l'égalité des droits et des devoirs », Nicolas Sarkozy anéantit tout l'argumentaire victimaire qui sert précisément à justifier les discriminations positives dont il se réclame.
L'élitisme républicain et l'apologie du mérite occupent une place de choix dans les trois discours mais ils figurent déjà en toutes lettres dans notre Constitution à travers l'article 6 de la Déclaration de 1789 qui dispose : « Tous les citoyens étant égaux à ses yeux (la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents ». Or c'est précisément à ce principe que déroge la discriminations positive en introduisant la prise en compte des distinctions d'origine, de race, de sexe ou de religion par ailleurs expressément prohibées par l'article 1er de la Constitution. Monsieur Borloo n'annonce t-il pas déjà qu'il réfléchit, pour l'après 2007, à une révision constitutionnelle « nécessaire pour permettre la discrimination positive, aider massivement les populations défavorisées, ouvrir les concours de la fonction publique, etc ... » (2)
Et que penser du couplet agenais « on sait où nous ont menés par le passé l'idéologie de la « terre qui ne ment pas » et l'apologie des anciennes sociétés provinciales, étriquées, repliées sur elles-mêmes et dominées par les notables » ? N'est-ce pas cette idéologie qui imprègne justement les régionalismes corse, breton, basque ou alsacien ainsi que la charte européenne sur les langues régionales et minoritaires que le président de l'UMP se propose quand même de ratifier après celle sur l'autonomie locale ? Et d'où Monsieur Sarkozy sort-il qu'il y aurait des dispositions de la constitution européenne qui n'auraient « pas fait l'objet de contestation » et qui pourrait donc être reprises dans un « mini-traité » ratifié par voie parlementaire ? Le « non » des Français portait sur l'intégralité d'un texte et non sur une partie seulement et c'est bafouer non seulement la République mais la démocratie que de passer outre le veto populaire.
Manifestement, Nicolas Sarkozy ne sait pas très bien ce qu'il veut ou alors souffre de confusion conceptuelle et de carence philosophique graves. Le journal Le Monde n'a pas manqué de relever la contradiction entre la « reconnaissance de la diversité » et les références à la IIIème République et au gaullisme (3).
Renaud Dutreil détient peut-être l'explication de ces géantes incohérences en laissant tomber : « Nicolas veut gagner, il doit donc rassembler et élargir. Peu importe la sincérité de son discours » (4) ... On a tort, en effet, de trop vouloir opposer Nicolas Sarkozy à Jacques Chirac alors qu'ils sont absolument de la même école, celle de l'absence de conviction véritable et de l'opportunisme, et qu'il n'y a donc, sur ce point essentiel, absolument aucune « rupture » à attendre (5).
Chargé par l'article 5 de la Constitution de veiller au respect de celle-ci, le président de la République actuel n'a pourtant eu de cesse que d'attenter au régime de la Vème République d'abord et à la République tout court ensuite. On ne compte plus les révisions constitutionnelles orchestrées sous son égide, dans le but de porter atteinte soit aux « conditions essentielles de la souveraineté nationale » (révisions de 1999 et 2005 sur l'Europe et la Cour pénale internationale), soit aux principes d'unité et d'indivisibilité de la République et d'égalité devant la loi (révisions de 1998 sur la Nouvelle-Calédonie, de 1999 sur la parité sexuelle, de 2003 sur l'organisation décentralisée de la république). Les sévères remontrances de deux présidents du Conseil constitutionnel, Yves Guéna puis Pierre Mazeaud, gaullistes authentiques, et même les critiques publiques de Jean-Louis Debré, n'ont pas dissuadé Jacques Chirac de continuer de brader la République (6).
On a souvent observé la capacité de l'actuel président à dire une chose dans un discours et son contraire absolu dans le discours suivant, tandis que se succèdent aussi les contradictions majeures à l'intérieur d'un seul et même discours. On l'a entendu prôner à la fois l'équivalence des cultures et l'excellence de la culture française, défendre le caractère irremplaçable de l'institution départementale et proposer la suppression des départements corses et antillais, trouver inconvenant de chercher un préfet musulman mais s'empresser d'en nommer un, et même juger que le « oui » au quinquennat serait bien mais que le « non » serait bien aussi !
On n'est donc pas dépaysé devant les contradictions sarkozystes : le tribalisme c'est bien, la République aussi ! Maurice Couve de Murville disait de Robert Schumann « Il ne veut déplaire à personne et, ce faisant, mécontente tout le monde » (7) ... La leçon n'est pas suffisamment méditée.
On peut juger que le modèle républicain est révolu et qu'il faut proposer aux Français une société postmoderne multiculturaliste. Mais il faut alors avoir le courage d'affronter sa conviction et, s'agissant de bouleverser le contrat social des Français, de leur proposer, par référendum, de changer de Constitution en abandonnant la référence à la Déclaration de 1789. C'est à ce texte, en effet, dans lequel se concentrent toute la philosophie des Lumières et la pensée révolutionnaire française que sont directement contraires les projets communautaristes et les discriminations positives de Monsieur Borloo et de Madame Bachelot, qui devraient mieux lire les décisions du Conseil constitutionnel.
Nicolas Sarkozy ne pourra indéfiniment se réfugier dans la duplicité qui a valu à l'actuel président le mépris des Français. La lassitude de ceux-ci devant l'opportunisme généralisé et l'érection de la politique en « produit » est extrême. Il y a des limites au mépris du peuple.

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Les débats du nouvel Economiste
Pour ou contre les statistiques ethniques ?
Les uns y voient un moyen efficace de lutter contre les discriminations, les autres les condamnent comme inutiles et dangereuses. Le Nouvel Economiste a réuni face à face, Yazid Sabeg, auteur de "Pour une discrimination positive", et Jean-François Amadieu, initiateur d'une pétition de chercheurs contre les statistiques ethniques. Au-delà d'un débat technico-éthique c'est toute la question de la politique d'intégration qui est posée.
Libération, le 23 février 2007
Ce que dit la loiLa loi du 6 janvier 1978 «interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques».Cnil L'autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) doit être sollicitée pour toute enquête entraînant le traitement informatique de «données [faisant] apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques». Mais la Cnil rédige un rapport avec des préconisations sur le sujet.
Halde La Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a été créée par une loi de décembre 2004 afin de «lutter contre les discriminations prohibées par la loi et pour promouvoir l'égalité». Elle est présidée par Louis Schweitzer.
« Les statistiques ethniques auraient pour effet de faire droit à la notion de "race" [...] et de développer les affrontements communautaires. »
Extrait de la pétition «Engagement républicain contre les discriminations»
Testing
La loi sur l'égalité des chances de mars 2006 a légalisé la pratique du «testing», contrôle à l'improviste des pratiques discriminatoires dans les discothèques, les entreprises, les agences immobilières, etc.
CV anonyme
L'obligation du CV anonyme est inscrite dans la loi sur l'égalité des chances, mais le décret d'application n'est toujours pas paru. Selon le ministre de l'Emploi, la disposition fera d'abord l'objet d'expérimentations puis d'un bilan d'évaluation d'ici au 31
décembre.
Voir enfin l'exemple britannique où, comme aux EU (depuis 2000), la liberté de chacun est respectée via l'autodéclaration (y compris par le choix de... plusieurs cases!):
«Avant, il suffisait d'interroger sur le pays de naissance pour obtenir l'origine ethnique d'une personne. Mais, en 1991, les communautés étaient déjà formées des enfants et des petits-enfants des immigrés. La question de la naissance devenait inutile.»
Pour qui se sentirait peu à l'aise dans l'un des cases, reste un espace blanc où se définir en liberté. (...) Désormais, le gouvernement britannique interroge ses citoyens sur leurs religions. Mais répondre demeure optionnel.
Discriminations
Depuis 1991, le Royaume-Uni recense racial
L'Etat interroge les Britanniques sur leur origine ethnique et, depuis 2001, leur religion.
Par Karine Loët
Libération
Le 23 février 2007
Londres de notre correspondante
En 1991, comme tous les dix ans, Anglais et Gallois sont invités à coucher leur identité, en détail et sans pudeur, sur les registres du gouvernement. C'est le recensement national. Mais, pour la première fois, l'origine ethnique fait l'objet d'une question. En 2001, rebelote. Mais les options s'élargissent : le recensé peut choisir la case «métis» ou l'une des anciennes options (blanc, noir, asiatique du Sud et asiatique). Pour qui se sentirait peu à l'aise dans l'un des cases, reste un espace blanc où se définir en liberté. Page 6 du même questionnaire, nouvelle surprise. Désormais, le gouvernement britannique interroge ses citoyens sur leurs religions. Mais répondre demeure optionnel.
Pincettes. Pourquoi donc la notion d'ethnicité apparaît-elle soudainement ? «Avant, il suffisait d'interroger sur le pays de naissance pour obtenir l'origine ethnique d'une personne, précise Robert Decco, du Bureau national des statistiques. Mais, en 1991, les communautés étaient déjà formées des enfants et des petits-enfants des immigrés. La question de la naissance devenait inutile.»
Pour prévenir toute attaque, le gouvernement s'arme de pincettes : «Avant chaque recensement, nous faisons un sondage pour savoir si les questions sont jugées acceptables, si elles sont bien formulées, explique Decco. En 1981, les sondés ont déclaré qu'ils n'étaient pas prêts à être interrogés sur leur origine ethnique. En 1991 ils l'étaient, et en 2001 la plupart répondaient même à la question optionnelle sur la religion.» Un tel changement tiendrait à l'avènement du multiculturalisme, selon les experts. «Ici, afficher sa race ou sa religion est devenu naturel, décrypte Gezim Alpion, professeur de sociologie à l'université de Birmingham. Tout le monde sait chez nous que vous ne laissez pas votre identité à la frontière. Les Français s'illusionnent en croyant le contraire.» Mieux: pour l'Etat britannique, reconnaître les différences est un moyen de prévenir les tensions raciales entre les communautés (1).
Débat.
Pour le recensement, l'objectif est identique. «Connaître l'origine de quelqu'un est indispensable à la mise en place d'une politique adéquate de santé, de chômage ou d'éducation», confie Miri Song, professeure à l'université de Kent. Mais, dans la forme, le recensement ethnique fait encore débat. En 2001, le Forum sur l'égalité des races demande une révision du questionnaire écossais. Motif : les Nigériens, Camerounais ou Ougandais sont catégorisés «Noirs» et non «Africains», tandis que les Chinois ou les Indiens entrent dans la classe «Asiatiques» qui se réfère à un peuple et non à une couleur. Le classement racial demeure un art délicat, même au Royaume-Uni.
(1) 3,9 % d'Asiatiques du Sud, 1,1 % d'Antillais, 0,9 % d'Africains et 0,4 % de Chinoi


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