LETTRE L

CLAUDE LEVI STRAUSS
Dans son livre "Race et histoire" il défend l'idée d'un monde pluri-culturel il est pour la diversité. Je suis pour

EUROPE DE L'EST EUROPE DE L'OUEST (1989)
Ce qui m'étonne, toujours, est que personne ni dans les médias, ni dans la classe politique ne fasse le parallèle entre la lutte des Basques, des Bretons, des Corses, des Irlandais et la lutte des Lituaniens, des Arméniens etc. Il est stupide d'ignorer les caractéristiques communes à ces soulèvements alors même que l'U.R.S.S. reconnaît à ces peuples le droit à leur langue ce que la France, dans son délire hégémonique de la République une et indivisible, ne fait pas.

FRONTIERES LINGUISTIQUES
Autant il est difficile de délimiter les frontières géographiques entre les dialectes d'une même langue, autant cela est facile entre dialectes de langues différentes, surtout s'il s'agit de langues de familles linguistiques distinctes.

FUSION DES LANGUES
Une fusion non impérialiste entre les langues est impossible. Lorsque deux langues vivantes se rencontrent et que l'une emprunte des termes à l'autre, la langue étant un élément de domination, la règle presque absolue, est que la langue dominée emprunte des termes à la langue dominante. L'inverse se produit dans des proportions infimes.

LANGUES
Petit à petit les peuples récupèrent leur langue. En Inde exit l'anglais comme première langue, en Algérie exit le français comme première langue.

LANGUE
La langue est l'élément essentiel qui définit un peuple, une culture : la socio-linguistique qui dit aussi que la langue, élément "clef" de la culture est porteuse de la mentalité collective, elle est l'inventaire des images qu'un peuple a du monde . Chaque langue est donc un inventaire différent.
Certes, un peuple est aussi constitué de structures socio-économiques, socio-affectives et l'ensemble donne un certain style de développement économique et d'organisation spécifique qui dégage un "rythme" qui lui est propre mais c'est toujours la langue qui en est la structure unitaire.

LANGUE ET DECOLONISATION
La plupart des politiques coloniales du XIXème siècle ont été conduites d'une manière empirique, l'impérialisme misant uniquement et instinctivement sur la force armée. Les colonisateurs ont sous-estimé l'importance de leur langue comme instrument de domination des peuples qu'ils colonisaient, ne l'utilisant qu'instinctivement dans le cadre de leur ethnocentrisme ; ils réalisent, aujourd'hui, parfois à leur grand étonnement, qu'une fois armées, c'est grâce à la dynamique du langage que les parties peuvent perpétuer leur présence, sous une forme néo-coloniale.

LANGUE ET LUTTE
Toute prise de conscience en faveur d'une culture minoritaire ou d'un peuple à la recherche de son identité s'établit obligatoirement à partir de la défense de sa langue, c'est-à-dire de sa culture. Toute mobilisation qui ne garderait pas à la langue son rôle prioritaire serait négative. Si par exemple, au niveau de la lutte pour la survie d'une ethnie, on mettait uniquement en avant la revendication économique, la possibilité de perte d'identite ne serait pas du tout élliminée

LANGUE INDO-EUROPEENNE
L'idée d'une civilisation indo-européenne ou aryenne est ridicule. D'abord, il n'existe plus une langue spécifique indo-européenne. Il y a davantage d'affinités entre un Finnois, de langue ouralo-altaïque, et un Suédois, de langue indo-européenne, qu'entre un Suédois et un Bengali, pourtant tous deux de souche indo-européenne. Il ne faut pas chercher à rassembler, mais plutôt à enregistrer les différences, conformément au sens-même de la vie qui conduit à la diversification.

LANGUE UNIQUE
Au départ, il y a deux axiomes : l'un voudrait que le sens de la vie soit positif à partir de sa capacité à se diversifier, l'autre à partir de sa capacité à s'unifier, à tout ramener, à un dénominateur commun. D'après l'ethnisme cette dernière possibilité entraîne la stagnation, et est, par l'absence de changement, un appauvrissement et la cause de guerres et d'impérialisme.
Car en suivant une telle logique qui pense que pour construire un pont, il est plus simple que tout le monde parle la même langue,on peut conclure aussi qu'il est plus simple aussi que tout le monde porte les mêmes chaussures, mange la même cuisine, habite les mêmes maisons.

LANGUES INTERNATIONALES
Je suis contrarié par la socio-linguistique lorsqu'au niveau même de la définition des langues, après avoir séparé les langues en vernaculaires et véhiculaires,elle tire des conclusions erronées : ainsi les premières deviennent le lieu des identités, de la tradition, de la conservation, les secondes le lieu du progrès, de l'avenir, de la communication. Puis à partir de cette distinction elle entrevoit la nécessité de faire disparaître les premières au profit des secondes.
Ma position est la suivante : toutes les langues sont d'abord culturelles, c'est-à-dire vernaculaires : toutes, de ce fait, ont les mêmes droits, notamment d'exister, et les mêmes devoirs, notamment de pas détruire les autres.
Si on adoptait comme instrument de communication universelle l'anglais, le français ou le russe, on entérinerait une supposée supériorité de ces ethnies, et on leur donnerait une arme de plus pour opprimer les autres ethnies. Pourtant, l'option de langues internationales a des avantages certains et n'est pas à rejeter il faut seulement qu'en tout état de cause, la langue essentielle de chaque peuple soit la sienne.

LANGUES SUPERIEURES
On pourait supposer que certaines langues, par la richesse de leur vocabulaire technologique et les possibilités de leur structure, ont un avantage sur les autres. En fait ça n'est pas un argument de supériorité. Quand une langue a un lexique peu étendu, ça veut simplement dire que le peuple qui la parle n'a pas éprouvé le besoin, pour son bien-être, d'en avoir un plus nuancé.

LETTONIE , LITHUANIE, GEORGIE (fev 89)
L'Empire Russe, comme l'empire Romain, et comme tous les empires est voué à l'éclatement, mais ce que Le Pen, la droite et une certaine gauche ne comprennent pas, c'est que les révoltes en Lettonie, en Lituanie, en Georgie ne sont pas des révoltes contre le communisme en tant que système économique mais des révoltes contre la dominante ethnique Russe et son centralisme bureaucratique. L'analyse primaire d'il y a dix ans : ils sont communistes, ils sont esclaves, ils vont se révolter n'a jamais été de mise, de même que l'analyse : ils sont capitalistes, ils vivent en esclaves, c'est un régime injuste, ils vont se révolter. La véritable révolution aujourd'hui est celle des ethnies c'est-à-dire celle de la décentralisation.

LETTRE DU GDM (bulletin)
Avec le GDM section française on frise le surréalisme. Ce groupement qui est soit-disant là pour défendre les droits des minorités a pour président Gérard Chaliand qu'on a vu souvent à la télé pendant la guerre du Golfe en tant que spécialiste de la stratégie.et du terrorisme Sa présence à GDM est aussi peu crédible que si, par exemple, on avait nommé Al Capone chef de la police à Chicago.

LIBAN (25 juin 1991)
Petit à petit la paix s'installe au Liban et la France n'y est pour rien. Elle fut contre les accords de Taef et pour la guerre c'est-à-dire pour la division du Liban. Parmi les responsables de cette guerre et de ses morts, Aoun, Léotard, Deniau et Baudis.
Il ne faut pas s'attendre à ce que la France récupère son influence passée dans cette région.

LIBAN (aout 89)
Le Liban a tout à gagner d'une entente de ses deux communautés et d'établir avec la Syrie des relations privilégiées parce que :
A) la population syrienne et la population libanaise appartiennent toutes deux à la même ethnie
"l'ethnie arabe" et ont la même langue. La frontière entre la Syrie et le Liban est aussi artificielle que celle entre les deux Allemagnes. Par ailleurs la Syrie a tout à gagner d'inclure dans son ensemble la dynamique de la communauté chrétienne
B) c'est la seule solution réaliste : un Liban ennemi de la Syrie n'est pas viable.
En conséquence :
1) Il faut faire partir Aoun
2) Il faut le remplacer par un moderé comme Hoss
3) Il faut accepter l'idée du droit à l'auto-détermination de la population du Liban
4) Il faut que la France reconsidère ses rapports avec le Liban à partir de l'idée suivante : elle n'a pas à se mêler des affaires qui ne la concernent pas.

LIBERIA
Exemple d'un état africain sous influence américaine anglo-saxonne.
Est-ce de cela que les Etats Unis sont fiers ?

LIBERTE
Souvent les jeunes argumentent contre l'ethnisme en revendiquant une liberté totale et individuelle. Pour eux l'ethnie, la patrie, la famille, ne sont que des liens de plus dont ils veulent veulent se libérer. A ceux là je réponds :
Le mot "liberté" seul ne veut rien dire. On est libre de quelque chose, libre de parler, de chanter, de bouger. etc La liberté a besoin de matière et cette matière est contenue dans la mémoire et la réalité du de ce qu'on est et d'où on vient. Liberté d'expression signifie "être libre de s'exprimer" mais pour ce faire il faut une langue d'où liberté d'expression sous-entend "liberté de parler sa langue". L'idéologie de la liberté pour la liberté ou de la liberté totale est une utopie qui ne prend pas en compte les réalités.

LIMITATION DU DROIT A LA DIFFERENCE (Pollution)
Si, par ses activités industrielles, un peuple risquait de poluer d'autres peuples sur leurs territoires respectifs, alors l'ethnisme devrait accepter un droit de pression pour intervenir contre cette polution.

MORT DES LANGUES
En Occident, jusqu'en 1950, le mouvement général tendait à supposer la disparition des minorités.
Depuis 20 ans, le phénomène d'acculturation des ethnies dites minoritaires est en diminution. Au contraire nous observons une tendance vers l'affirmation des langues autochtones, tout particulièrement en Europe où, contrairement à ce que nous pouvions prévoir avec l'avènement des mas médias et du progrès technologique, il y a prise de conscience culturelle, et réveil des minorités. Voyez l'Ecosse, le pays Basque, les Flandres, la Catalogne, etc. La division de la Belgique en zones linguistiques est un exemple flagrant.
Je propose trois explications.
La première est que depuis à peu près le 10ème siècle pour l'Europe et 1une centaine d'années pour le monde, les grands mouvements d'immigration se sont tassés sinon arrêtés. De ce fait, la formation de langues nouvelles aussi. Il y a donc eu sédentarisation des populations sur des territoires fixes, sédentarisation qui a permis aux peuples de réaliser, dans leur ethnocentrisme, une opération que j'appelle "l'inventaire", c'est-à-dire la prise de conscience de leur identité.
La deuxième, plus actuelle, est que nous sommes dans une période de non-confrontation armée des grandes puissances impérialistes, ce qui permet aux ethnies qui ne sont pas mobilisées par les blocs de mieux réaliser cette opération d'inventaire. Dans le langage des relations internationales, cela s'appelle "être contre la politique des blocs", ou "conduire une politique de non-alignement".
La troisième explication est que l'ethnologie et l'anthropologie, depuis quelques années, sont devenues, à travers leur diffusion, des sciences transformatrices, c'est-à-dire qu'à partir des données qu'elles diffusent, elles entraînent des prises de position, voire des actions politiques allant dans le sens de la reconnaissance des droits des ethnies et des cultures.
Si c'est la mort du cygne, il n'en finit pas de mourir et le monde est rempli de ses soubresauts : Tamouls, Kurdes, Arméniens, Indiens, etc.
Beaucoup d'ethnies sont comme des icebergs : de l'extérieur, elles donnent l'impression d'être inexistantes, mais si l'on procède à des sondages, on s'aperçoit qu'elles ne sont qu'endormies et que, dès qu'apparaît une possibilité de s'exprimer, elles s'éveillent. Les mass médias font beaucoup de bruit à chaque fois qu'une espèce animale est en voie de disparition. Pourquoi ne pas faire de même pour les cultures humaines ? Enfin, je dirai que l'ethnisme, en tant que théorie, ne fait qu'enregistrer les réalités ethniques, tout-au-plus accélère-t-il le processus de prise de conscience. (Karl Marx n'a pas créé la lutte des classes).

NOUVELLES LANGUES
La création d'une nouvelle langue est un phénomène rare mais s'il se produit, la population en question a le droit de chercher à être maitresse de son destin politique et économique au même titre que n'importe quelle autre ethnie. Ceci étant, les seuls exemples contemporains de création de nouvelles langues sont le créole et le pidjin avec pourtant matière à contestation.

REALITE ET LANGUE
Il y a autant de réalités qu'il y a de langues. Chaque langue est une réorganisation particulière de la réalité, un prisme à partir duquel on voit la réalité différemment. Dans certaines langues il n'y a, par exemple, que trois couleurs fondamentales ; dans la langue des Esquimaux il y a vingt trois mots différents pour définir des neiges différentes, et aucun pour dire le mot neige en général.
Chaque fois qu'une langue disparaît, une vision du monde particulière disparaît. Et avec elle, disparaissent également les possibilités ouvertes à l'espèce humaine grâce à cette vision du monde. Ainsi, certaines ethnies pacifiques qui, dans le passé, ont été éliminées, aurait peut-être pu, si elles avaient poursuivi leur développement, apporter des progrès dans le domaine de la psychologie.

NOMBRE DE LANGUES
Il n'y a pas deux atlas, deux anthropologies ou deux politiques d'Etat qui soient d'accord sur le nombre de langues parlées dans le monde. Les chiffres varient entre 3.000 et 5. 000.
Cette mésinformation provient de la confusion qui existe entre dialectes, langues et idiomes, y compris chez les politiciens, pour qui tout dialecte devient devient vite une langue, toute langue un patois ou un dialecte, selon les intérêts de l'impérialisme régnant.
L'ethnisme suppose, d'une part, que toute ethnie est délimitée par la possession d'une langue commune à ses membres, et d'autre part, qu'elle doit être maîtresse de ses choix fondamentaux; ce qui donne à l'ethnie les prérogatives d'une nation. Cette règle est valable, quel que soit le nombre de langues dans le monde, et quel que soit le nombre de locuteurs de chacune d'elles. Ceci dit, considérant avec réalisme la liste des ethnies, nous observons qu'effectivement il y a une grande disparité entre les familles linguistiques; être maître des choix fondamentaux n'a pas le même sens pour une ethnie de 1.000 habitants que pour une ethnie de 100 millions d'habitants. Sans chercher à limiter le droit à l'indépendance des premières, dont les populations sont peu importantes, elles doivent considérer l'ethnisme davantage comme la conquête d'une charte des droits culturels, économiques et politiques, que comme l'apport d'une indépendance d'ordre étatique à l'occidentale avec ses artifices bureaucratiques.

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z

-> retour